Refus d’obstacle
J’entends l’expression à la radio. C’est David Goffin, notre star nationale de tennis, qui la prononce à propos de sa (non-)performance au tournoi de Roland Garros. Un Roland Garros en septembre, différent, anormal.
Le champion évoque, en parlant de ce match raté, comme un « refus de passer l’obstacle », à l’image des chevaux qui pilent juste devant la barre et balancent le cavalier par-dessus: « Désolé, finalement je ne saute pas ».
Questionné par le journaliste incrédule, Goffin parle de cet « état général » ambiant, qui empêche d’être « à 100 % » concentré sur le tennis. Il décrit l’inquiétude un peu sourde et un sentiment diffus de fatigue, dans lesquels il est difficile de (re)trouver sa motivation. Il termine en précisant qu’« Il va falloir prendre des décisions pour la suite de la saison. Jouer pour jouer cela ne sert à rien ».
Et pourquoi pas ?
Ce qu’il dit résonne pour moi. D’ailleurs cela fait plusieurs jours que j’essaie d’écrire ce billet et les mots ne viennent pas. Ce n’est pas que je n’aie rien à dire, mais tous les mots et les idées me paraissent dérisoires, fades ou apprêtés.
Un tsunami
On ne peut pas le nier, cette rentrée est étrange, entre le soulagement d’avoir traversé une épreuve, le timide espoir que tout va s’arranger et l’appréhension face à l’incertitude qui plane.
A la manière d’une vague géante et violente – un tsunami ? – , cet épisode de crise sans précédent nous a brusquement arrachés à nos vies pour nous emporter en eaux troubles.
Entre ombre et lumière, les mois que nous venons de vivre nous ont malmenés. Personne n’est indemne, même ceux – la grande majorité d’entre nous, finalement – qui n’ont pas connu la maladie. Et nous ne mesurons sans doute pas encore l’ampleur des dégâts.
Dernièrement, la vague a paru nous laisser un peu de répit pour nous permettre de regagner, groggys, le rivage.
Sommes-nous revenus au même endroit, avons-nous reculé ou sommes-nous plus loin ? Individuellement ? Collectivement ?
S’il existe une réponse univoque à ces questions, il est probablement beaucoup trop tôt pour la trouver.
Stop
Très modestement, j’ai tout de même l’impression d’observer un phénomène commun, chez mes clients, mon entourage et, bien-sûr, moi-même, et qui pourrait bien s’apparenter, justement, à ce « refus d’obstacle ».
Comme si certaines choses qui faisaient jusqu’à présent partie de nos vies nous apparaissaient, aujourd’hui, pesantes, inappropriées, forcées. Comme s’il était temps de dire « Stop » à quelque chose, de le lâcher, de le mettre de côté, voire de s’en débarrasser. Lorsque je l’observe, cela se passe sans hésitation, presque sans se retourner.
Déménager, ne pas revenir (tous les jours) au bureau, démissionner, abandonner un projet, se défaire d’une illusion, faire une pause, se séparer d’une peur, d’une croyance, d’une habitude, remercier un client, prendre ses distances dans une relation…
Qu’il s’agisse de petites ou de grandes choses, de choses insignifiantes, en apparence, ou importantes, souvent c’est tellement évident et décisif qu’on n’en prend même pas conscience.
Et vous, qu’avez-vous balancé par-dessus bord ?
En tout cas, j’ai envie de penser que cela nous rend plus légers et, surtout, plus libres.